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Etape 8 : 13 avril – vers Lessay – 21 km

Quel calme ! Nous marchons dans une surprenante sérénité.  La tempête d’hier est dans nos mémoires. Nous suivons une voie ferrée transformée en piste cyclable ou coulée verte. Le chemin, surélevé, est bordé de fossés. En contrebas, derrière les haies, des champs, des marécages… Le tracé est monotone.

A l'aquarelle, un chemin part vers l'horizon. A gauche, il est bordé d'un fossé et de quelques arbres. Sur le chemin, un homme, P. avance
Vers Lessay, au Mont-Saint-Michel, aquarelle Cécile Van Espen, peinte in situ le 13 avril 2023, posée sur papier Hahnemühle 275 g/m2 et au format 17 x 24 cm.

J’arrive tard à Lessay. Pour ne pas perdre de temps, je file vers l’édifice phare de la ville, l’abbatiale. Ses portes se ferment automatiquement à 19h. La lumière d’un vitrail d’entrelacs éveille mon attention. Rapidement, je le couche sur papier.

A l'aquarelle, un vitrail en entrelacs géométriques de l'église de Lessay
Lessay, au Mont-Saint-Michel, aquarelle Cécile Van Espen, peinte in situ le 13 avril 2023, posée sur papier Hahnemühle 275 g/m2 et au format 17 x 24 cm.

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Etape 6 : 11 avril – vers Barneville – 16 km

Nous partons sans traîner pour éviter la pluie annoncée en début d’après-midi. Le chemin passe au pied des dunes côté terre. Le Noroît, un vent de nord ouest, souffle fort. Je m’installe dans le creux d’une dune pour peindre à l’abri. Puis nous traversons une zone agricole. Les parcelles cultivées alternent avec des enclos de vaches, de chevaux… Le tracé serpente le long d’un petit canal d’où pointent des iris d’eau. Le soleil n’arrive pas à percer. Il fait de plus en plus frais. Quelques gouttes nous alertent.

Une dune peinte à l'aquarelle
Vers Barneville, au Mont-Saint-Michel, aquarelle Cécile Van Espen, peinte in situ le 11 avril 2023, posée sur papier Hahnemühle 275 g/m2 et au format 17 x 24 cm.

Nous entrons dans Barneville sous la pluie. Elle ne cesse de tomber toute la soirée, toute la nuit… P. me fait remarquer l’évolution de la fréquentation du bar dans lequel nous nous abritons pour tuer le temps. A 17h, des couples d’âge mûr sont assis en tête-à-tête. A 18h30, des plus jeunes prennent place… Les tables sont toutes occupées en cette fin de journée, le zinc également.

Le zinc d'un café. Peinte de dos, un femme est au comptoir, debout. sur sa gauche, sur un tabouret haut, une autre personne.
Vers Barneville, au Mont-Saint-Michel, aquarelle Cécile Van Espen, peinte in situ le 11 avril 2023, posée sur papier Hahnemühle 275 g/m2 et au format 17 x 24 cm.

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Étape 4 : 9 avril – vers Helleville – 24,5 km

Du tiers-lieu qui nous a accueilli pour la nuit, nous rejoignons le GR. Au détour d’un sentier, un chevreuil nous surprend. Cette rencontre renforce notre enthousiasme. La journée est idéale pour crapahuter sur les falaises de Jobourg. Le sentier est sportif, étroit, rocailleux, aux multiples dénivelés. De la hauteur, cent mètres, la vue est superbe. Nous sommes en surplomb, comme suspendus au dessus de l’eau. Sur les parois rocailleuses, les genets sont éclatants. Leur jaune est en contraste avec le bleu profond de l’eau en contrebas. 

Nous passons sous le centre de traitement des déchets radioactifs. Un point de vue semble aménagé pour les photographes. Impossible d’éviter cette étrange verrue d’autant que quelques infrastructures plongent dans l’eau. Elles coupent en deux ce site préservé.

Falaises de Jobourg, aquarelle Cécile Van Espen peinte in situ le 8 avril 2023, posée sur papier 270 g/m2 et au format A5
Falaises de Jobourg, aquarelle Cécile Van Espen peinte in situ le 8 avril 2023, posée sur papier 270 g/m2 et au format A5

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Étape 3 : 8 avril – vers Goury – 20,5 km

Quel beau paysage ! Je ne sais où poser les yeux… Tout comme les pieds. Les chemins de galets et de graviers sont inconfortables. Il m’est difficile de regarder simultanément le sol et le paysage… Je n’ai que l’embarras du choix pour saisir le décor. La côte est escarpée, les roches très irisées vont du beige au brun encre en passant par le lit de mer au riche camaïeu de bleu. Mais, le versant vallonné et les marais ont ma préférence.

Peint à l’aquarelle, en premier plan, un chemin part du coin gauche vers la droite (il répande vers le tiers ). Derrière une surface d’eau parsemée de tiges courtes. Puis une succession de vallons, de plus en plus hauts. De petites haies s’entrecoupent : une dans les ocres en bordure droite du plan d’eau ; un alignement d’arbres rosés au centre ; à nouveau une colonne ocre monte sur le coteau. Ce dernier est fermé sur la gauche par un alignement d’épineux verts foncés. Dans la pente de ce coteau, sur la droite une petite maison au toit pentu. En fond, un dernier coteau est suggéré. Puis le ciel bleu se dégrade vers le haut.
Le Caban, Cotentin, Normandie, Manche, aquarelle in situ par Cécile Van Espen, posée sur papier 270 g/m2, grain torchon, avril 2023

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Etape 2 : 7 avril – vers Omonville-La-Rogue – 22,5 km

A Urville, nous pénétrons dans l’arrière-pays. Une brève escapade à flanc de colline nous permet d’apprécier la richesse verdoyante de la végétation. Elle pousse sur les versants nord du Cotentin. Quand il ne suit pas la route, le chemin serpente en sous-bois sur les pentes des coteaux humides avant de rejoindre la côte qui prend du relief. Le sentier devient étroit, rocailleux. Au-dessus de la mer, il présente de multiples dénivelés. 

Un chemin herbeux en escalier descend. A gauche un muret haut d'où coule un filet d'eau, puis un petit portail. En fond, à droite, un autre portail semble donner sur une maisonnette dont on ne voit que la partie gauche
Urville, Cotentin, Normandie, Manche, aquarelle in situ par Cécile Van Espen, posée sur papier 270 g/m2, grain torchon, 7 avril 2023

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Etape 2 : 7 avril – vers Omonville-La-Rogue – 22,5 km

La sortie de la ville (Cherbourg-en-Cotentin) est longue. Nous suivons une promenade aménagée le long de la côte. Discrètement, elle se transforme en chemin pris en étau entre des terrains militaires et la Manche. Puis, côté terre, les paysages s’ouvrent :  de petites maisons blanches ou en pierres grises alternent avec des champs cultivés qui glissent doucement vers l’eau. Parfois, de petits hameaux, modestes ou plus huppés, apportent un charme désuet. Les habitations sont fermées jusqu’à l’été, comme abandonnées. Côté mer, le sentier s’efface en bordure des plages de galets. Parfois, les vestiges d’un blockhaus rappellent l’Histoire. Sous le soleil, l’eau est calme. Une brise froide souffle légèrement.

une mer plate, bleu soutenu, frôle le rivage (sur la gauche). Au tiers gauche, le rivage est coupé par les vestiges d'un blockhaus rouge. Puis en fond, sur presque toute la ligne d'horizon, on devine des maisons basses aux toits en ardoise.
Caban, Cotentin, Normandie, Manche, aquarelle in situ par Cécile Van Espen, posée sur papier 270 g/m2, grain torchon, 7 avril 2023

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Etape 1 : Cherbourg-en-Cotentin

Ce jeudi est jour national de mouvement social contre la réforme des retraites. Certaines routes stratégiques d’entrée dans le centre urbain et et le port sont barrées. Les drapeaux aux dominantes de rouge se dressent. Je m’installe à proximité de la statue de Napoléon. Je partage un banc public avec un retraité. Le temps de peindre une petite aquarelle, nous échangeons quelques paroles. Fier de sa ville, il m’en fait un beau portrait. En partant, je lui tends la main. La poignée est franche et sincère. Dans l’après-midi, P. me rejoint. Alors, nous faisons un tour de ville, du port…

Cherbourg, Manifestation, Normandie, Manche, aquarelle in situ par Cécile Van Espen, posée sur papier 270 g/m2, grain torchon, 6 avril 2023
Cherbourg, Manifestation, Normandie, Manche, aquarelle in situ par Cécile Van Espen, posée sur papier 270 g/m2, grain torchon, 6 avril 2023

Epilogue

Un an après avoir écrit l’intégralité des textes de mon projet, vécu sur le Chemin de Compostelle de Lescar à Fisterra du 11 septembre au 30 octobre 2017, je reprends la plume. Cette aventure ne s’est pas arrêtée à mon retour en Béarn, elle continue de vivre en moi. Elle est le catalyseur de nombreux autres projets artistiques et humains dont vous êtes les premiers témoins en ayant pris connaissance de ce blog et en le suivant. Egalement, cet hebdomadaire m’a permis d’entretenir des amitiés nées sur le Chemin, d’en retrouver qui s’étaient éloignées avec les ans ou d’en voir émerger de nouvelles.

Ma rencontre avec les Editions Gypaète et leur invitation à aquareller les rues de Pau telles que je les ressentais découle directement de ces 2 mois passés à peindre quotidiennement mon expérience jacquaire. Durant les 6 mois qui ont suivi l’ouverture de ces pages, j’ai marché dans les rues de la cité béarnaise pour en saisir l’âme. Puis j’ai mis à profit mes compétences professionnelles pour publier un carnet d’aquarelles, livre présentant l’ensemble des dessins peints sur le Chemin. A ce titre, je suis toujours à l’écoute de propositions en vue d’une nouvelle expérience professionnelle dans le domaine de la communication, de l’animation culturelle ou plus largement une expérience qui soit compatible avec mon savoir être. Vous pouvez retrouver mon profil professionnel sur Linkedin.

Photographie, Cécile est assise à cheval sur le banc d'une table de pique-nique en bois. Elle peind. Le carnet de peinture est devant elle, puis le petite palette, puis le godet d'eau et le gourde. Elle tient un pinceau à main droite.
Cécile Van Espen réalisant une aquarelle du chevet de l’église de Sarrance, septembre 2017

L’adhésion à l’association du Refuge Saint-Jacques de Lescar et les échanges avec ses membres ou avec d’autres marcheurs résultent de mon désir de poursuivre mon Chemin. A chaque rendez-vous, pas besoin de mots pour nous reconnaître : nous nous sentons unis par une même expérience. Nous n’en parlons pas systématiquement, mais elle est là, présente avec nous.

Plus largement, je poursuis mon expérience artistique. Elle me permet de renforcer ma créativité et mon ouverture sur le monde. Egalement, je continue à aller dans le sens de valeurs qui me sont chères et qui sont très répandues sur le Chemin : celles du respect de l’Humain, de l’Environnement et du savoir-être. Dans cette optique, j’ai créé une association, Art et Environnement, dont l’objet est la sensibilisation à la préservation et à la conservation  de l’environnement, naturel ou culturel, par le biais de l’Art. Avec Cette dernière, je travaille autour d’une nouvelle aventure qui pourrait voir le jour d’ici à cet été.

Photographie, Cécile est accroupie à côté d'une borne du Chemin. Elle est de section carrée, haute (environ 1m). Sur une des faces, on voit la coquille jaune du logo européen, Cécile pose une main dessous. De l'autre main, la droite, elle se tient à son bâton de randonnée, tenant également sa casquette.
Cécile Van Espen accroupie à côté d’une borne de balisage du Chemin en Aragon

Aujourd’hui, ce blog, destiné à vous transmettre mon aventure sur le Chemin, se met en léger sommeil. J’espère pouvoir lui donner vie d’ici quelques semaines, aux beaux jours, pour de nouvelles partitions car je continue à pratiquer de concert la marche et la peinture à l’aquarelle.

Buen camino !

Photographie, au loin on devine Cécile sur un sentier qui derrière elle s'enfonce dans une oliveraie. Le sentier est à flanc de coteau qui monte sur la droite.
Cécile Van Espen sur un sentier, à l’entrée d’une oliveraie, à Olcoz

Etape 49

  • 30 octobre
  • 13,1 km
  • CeeCabo Fisterra

Ce matin, chacune part de son côté. L’arrivée au bout de l’aventure se vit en toute intimité. Le Chemin longe la côte, le soleil est derrière les nuages. Le paysage manque de lumière. Il est triste alors que j’ai chaud au coeur. Quel contraste ! La plage d’Estorde est dans une petite crique. Elle est déserte. L’Océan est calme. Je pense qu’il va pleuvoir si le vent tombe. Mais il n’en est rien.

A l'aquarelle, une plage... L'Océan arrive par la gauche (la moitié basse) et se fond sur le sable par des mouvements incurvés. Le sable se prolonge en premier plan par une touffe d'herbe. Sur le fond, l'océan est bordé par une colline boisée. Le ciel est menaçant.
Playa de Estorde (Coruña – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 30 octobre 2017

Quelques kilomètres plus loin, j’arrive dans la baie de Fisterra. Le soleil bataille pour percer. Il éclaire de plus en plus l’Océan. Je suis attirée par l’eau. Je ne me retiens pas. Je pose mon sac à dos sur la promenade de caillebotis. Je descends les escaliers. Sur le sable, j’enlève chaussures et chaussettes. Je relève les jambes de mon pantalon. Je me retrouve les pieds dans l’eau… Je suis béate… J’ai fini ! Je n’en reviens pas. Quel bonheur ! Je reste là, longtemps. Le sourire est figé sur mes lèvres. Le froid me fait quitter l’eau. Mes pieds sont un peu bleu. Qu’importe, la vie est belle.

A Fisterra, je laisse mes affaires dans un refuge tenu par des Hongrois. J’y retrouve l’Allemand croisé dans le bois incendié. Il avait raison. Nous nous sommes revus. Par contre, malgré les promesses respectives, je n’ai jamais re-croisé Elisabeth rencontrée à Foncebadón. Regina est également là, nous nous étions donné rendez-vous là. C’est un refuge d’Allemands. Je suis toujours la seule et l’unique Française. Je pars sur Cabo Fisterra le dos léger. J’effectue le trajet sans m’en rendre compte. Song, une jeune Coréenne m’accompagne. Nous faisons connaissance au début de la montée et nous conversons tranquillement. Je suis curieuse. Je pose plein de questions. Elle est seule. Malgré l’âge, nos vécus sont similaires. La peur et l’incompréhension de l’entourage. Les risques pour une femme seule soulevés par ceux qui restent. La découverte d’un pays. La magie des rencontres. L’envie de se retrouver.… Elle est heureuse de son aventure. Moi aussi.

A l'aquarelle, l'océan. Sur la gauche en premier plan, quelques rochers. Sous eux l'océan qui se prolonge vers l'horizon rose sur sa ligne. Le soleil (non visible) illumine la partie gauche.
Cabo Fisterra (Coruña – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 30 octobre 2017

A l’extrémité de la fin des terres, je peins le reflet du soleil sur l’Océan. La lumière. L’infini.

En quittant Lescar, je traversais une porte ouverte sur l’horizon. Aujourd’hui, je ne la referme pas. L’avenir s’ouvre à moi.

A l'aqurelle, l'Océan. sur la partie basse, le sol agrémenté que quelques fleurs jaune à droite surplombe l'océan. Ce dernier est calme. Sur son centre, le soleil s'y reflette. Aux 2/3, l'horizon est jaune orangé.
Cabo Fisterra (Coruña – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 30 octobre 2017