Etape 8

  • 19 septembre
  • 31,9 km
  • Santa Cilia de JacaArtieda

La journée s’annonce longue. Les hospitaliers de Santa Cilia de Jaca, nous avertissent, nous avons 31,4 km à parcourir. A la sortie de Puente la Reina de Jaca, le vent se lève. C’est le Cierzo. Il est fort. Il est de face. Le soleil chauffe. Je marche sur le macadam. Ma jambe droite commence à me lancer sur le devant du tibia. Je m’assieds dans un champs, contre un bâtiment agricole. Il m’abrite du vent. En même temps, je repose ma jambe douloureuse. Je me demande ce qui m’arrive. Plus loin, Roberto et Tais m’invitent à une «pause technique », le pique-nique. Je leur parle de cette étrange douleur. Suivant leur diagnostic, c’est le début d’une tendinite. Je serre trop fort les lacets de mes chaussures. Pour sûr, tous les matins, je suis tellement contente que je lasse mes chaussures avec beaucoup d’énergie. Trop d’énergie… Pour l’instant, j’ai encore 20 km à assurer.

A l'aquarelle, un champ entrain d'être labouré par un tracteur. La terre est ocre. Sur la droite, il est bordé par une route qui part au loin et par une ligne électrique. En fond, des collines dans des tons de vert
Puente la Reina de Jaca (Huesca – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 19 septembre 2017

Nouvel arrêt face à un tapis de fleurs violettes. Je remarque qu’il leur manque le pistil et les étamines. Ils ont été ramassés. Hier, un marcheur espagnol qui m’a accompagnée une petite heure, m’a expliqué que cette fleur est le safran du pauvre. Les gens ramassent le coeur de la fleur. Mais les vertus sont moindre que celles du vrai safran. Je finis mon premier carnet d’aquarelles. Mon étape se poursuit sous le soleil avec un vent contraire.

A l'aquarelle, ensemble de fleurs violettes de type crocus. Les fleurs sont posées à même le sol.
Martes (Huesca – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 19 septembre 2017

A la sortie d’une grande traversée désertique, sur un chemin sinueux, sans ombre et d’une longueur interminable, une fontaine ! Quel bonheur de la voir couler avec vigueur. Pourtant, je n’ai pas manqué d’eau de la journée. La fraîcheur et la musique véhiculées me remplissent de joie. Alors, je m’assieds là. Ma jambe semble aller mieux. J’étais sur un sentier de terre. Quand je reprends la marche, c’est à nouveau sur du goudron. Très vite, la douleur se réveille. Elle ne me quitte plus jusqu’à Artieda que j’atteins vers 19h. En ôtant mon pantalon, je ne peux que constater le volume de ma jambe. Au niveau de l’inflammation, une immense plaque rouge s’est installée. Le conseil donné par tous est une journée de repos.

A l'aquarelle, fontaine en pierres taillées. Elle est tout en longueur comme un vieil abreuvoir. L'eau sort par un des deux tuyaux d'écoulement. Au dessus est écrit "fuente de San Martin"
Fuente de San Martin, Mianos (Huesca – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 19 septembre 2017

Etape 7

  • 18 septembre
  • 21,5 km
  • Castiello de JacaSanta Cilia de Jaca

Je démarre la marche sous la pluie mais le temps se lève rapidement. L’itinéraire est fort désagréable. Il longe une route à grand passage. Le bruit de la circulation et la proximité de la route me stressent. Mon regard est totalement dénaturé par cette ambiance. Pourtant à Jaca, les habitants me surprennent. Beaucoup remplacent le « Buenos dias ! » par un « Buen camino ! » Cette expression est celle du Chemin. Je la découvre. Tout le monde se salue ainsi, même les marcheurs entre eux. Après une visite de la cathédrale, je reprends ma route. Alors que je fais une courte halte à la sortie de la ville pour ranger des bananes dans mon sac à dos, un vieil homme passe devant moi. Brusquement, il fait demi-tour. Il m’interpelle sans ménagement et avec insistance. Je n’entends pas le « Buen camino ! »

-Tu es seule ?

-…

-Tu fais le chemin seule ?

-Oui

-Où es ton mari ?

-…

-Es-tu mariée ?

-…

-Une femme doit être mariée. Où est ton mari ?

– C’est ma vie, ça ne te regarde pas !

Je ne lui laisse pas le temps de rétorquer. Je file. Il m’a mise en colère. Je peste. Mon irritation est propice à l’accélération de mes pas. Calmée, je dessine ma première aquarelle après 5h de marche.

A l'aquarelle, paysage sous un ciel chargé
Jaca (Huesca – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 18 septembre 2017

Au refuge de Santa Cilia de Jaca, je retrouve Roberto et Taïs. Ensemble, nous faisons les courses dans l’arrière boutique du bar du village, il n’y a pas d’épicerie. Roberto se désigne cuisinier. J’apprends qu’il n’est pas catalan mais italien devenu catalan par amour. Roberto a rencontré Taïs sur le Camino Francés. Quelques années après, il l’a rejointe à Barcelone. Depuis, chaque fois qu’il le peut, le couple fait un petit pèlerinage de 8 à 15 jours, sur un tronçon du Chemin. En vrai italien, Roberto nous prépare des pâtes « al dente ». Pendant qu’il cuisine, je file peindre car je suis insatisfaite de ma journée. De la fenêtre du dortoir, j’ai repéré une vue. Au loin, la montagne est éclairée par le soleil couchant. Je me rends à l’orée du village. Pour me protéger du vent froid, je m’installe dans un abri-bus.

A l'aquarelle, vue sur une montagne en arrière plan, éclairée par le soleil. En premier plan, une clôture derrière laquelle des moutons broutent
Santa Cilia  (Huesca – Espagne), aquarelle plein air, Cécile Van Espen, A5, papier grain fin, 300 g/m2, 18 septembre 2017